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En remontant le temps

            

Les Cévennes, un terroir marqué par les résistances… à un milieu naturel difficile.

L’homme a dû sans cesse s’adapter pour construire un équilibre d’accès, d’usage et de mise en valeur judicieuse des sols (productions agricoles, pastoralisme, forêts, habitat, infrastructures) et une gestion appropriée de la ressource et de l’écoulement de l’eau. À ces difficultés permanentes s’ajoutent aujourd’hui les effets pernicieux de fermeture des espaces et milieux naturels découlant d’une spéculation foncière envahissante.

moutons dans les Cévennes

Photos Michel Verdier

…aux oppressions privatives des droits humains élémentaires.

 

Assemblée surprise au désert
Assemblée surprise au désert par les dragons du roi Louis XIX

 

 

 

L’absence de liberté de culte et de conscience, la misère et l’exploitation économique des prolétaires ont conduit à des luttes et résistances et à des conquêtes politiques et sociales : liberté religieuse, droits de l’homme et du citoyen, laïcité, droits des femmes et enfants, droits syndicaux.

                              

rabaut
J.P Rabaut St Étienne (1743 – 1793) un des constituants rédacteurs de la déclaration des droits de l’homme (1789), martyr de la terreur. D.R
mines
Mines de charbon, la dureté du travail voit l’émergence de délégués mineurs dans les bassins cévenols. (20eS). Musée du mineur à la Grand Combe.
grèveEn 1906, une grève des fileuses de soie à Gange se propage à toutes les filatures cévenoles; des syndicats sont constitués.
D.R

Abraham Mazel : il ne manque que son portrait !

On connaît presque tout de sa vie. Quand il naît le 5 septembre 1677 au hameau de Falguières, près de Saint Jean du Gard, les Cévennes sont soumises à l’occupation des troupes de Louis XIV qui veut interdire la liberté de culte aux protestants. Simple cardeur de laine, il vit auprès de ses parents paysans en essayant d’échapper aux persécutions. Alors qu’il a 24 ans et qu’il se trouve dans une assemblée clandestine, tenue dans « un trou de rocher », il décide de rejoindre le camp des révoltés. Dès lors il consacrera sa vie à cette lutte pour la liberté de culte et de conscience. Rompant avec un protestantisme calviniste institutionnel dont les pasteurs se sont exilés, il participera à toutes les actions de combat, guidé par des « inspirations divines ». A la suite d’une de ses premières visions, il convainc ses compagnons de délivrer des prisonniers enfermés au Pont de Montvert. Cette expédition se terminera par l’assassinat de l’Abbé du Chayla véritable tortionnaire des protestants cévenols. Sous son action, la guerre des camisards débute ainsi le 24 juillet 1702. Abraham Mazel devient alors un fugitif dont la tête est mise à prix. Depuis ses montagnes cévenoles il mène une véritable guérilla contre les troupes du roi. Leur échappant habilement, donné pour mort plusieurs fois, il est surpris, à la fin de l’année 1704, alors qu’il se trouve dans sa maison de Falguières. Mais sautant rapidement d’une fenêtre, les cinquante soldats qui cernent les lieux, le voient s’enfuir sans pouvoir le rattraper. Arrêté le 6 janvier 1705 près de Marouls, il est enfermé dans la tour de Constance à Aigues-Mortes dont il s’échappe, le 24 juillet 1705, en descendant le long des murailles. Quarante-huit heures plus tard, Abraham Mazel est de retour en Cévennes. Contraint de s’éloigner, on l’aperçoit en Suisse, aux Pays-Bas, en Angleterre. Mazel quitte Londres le 6 septembre 1708 décidé à reprendre la lutte et après une tentative de soulèvement du Vivarais, il cherche à regagner les Cévennes. Mais comme l’écrit Henri Bosc, « les jours de Mazel étaient comptés. Des hommes de cette trempe ne pouvaient être abattus que par trahison ». Se trouvant au Mas du Cotteau près d’Uzès, en compagnie de Claris, un autre camisard, il est vendu par un habitant d’Uzès et abattu, le 14 octobre 1710, d’un « coup d’escopette », alors que sa tête et ses épaules seules dépassent le toit qu’il vient de percer pour s’enfuir.
La tête d’Abraham Mazel fut exposée pendant trois jours, puis fut brûlée, ses biens furent confisqués. La maison d’Abraham Mazel fut enlevée à ses parents, avant d’être rachetée peu de temps après par une famille venue de Lozère. C’est directement à cette famille que l’Association Abraham Mazel rachètera la maison en 1995.
Ainsi Abraham Mazel mourut à trente-trois ans, après avoir combattu durant plus de huit ans en « tant que soldat de la liberté » ces « précieuses libertés – écrivirent les camisards- que nos pères ont achetées au prix de leur sang».
Vu partout en Cévennes, suivi, écouté ou pourchassé, on connaît la vie d’Abraham Mazel, mais personne n’a pu le décrire; aujourd’hui encore, il ne manque que son portrait!

Jacques Verseils
Pour en savoir plus sur les camisards