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Abraham Mazel-Portrait

Il y a d’abord son prénom « Abraham » comme un souffle venu des origines de notre civilisation. Et le nom Mazel, parfaitement occitan. Le lieu où l’on tue le mouton. Nom qui le place dans cette colline de Falguières surplombant le Gardon, dans cette famille humble et pauvre, lui le cardeur de laine.
C’est l’homme-prophète.
On est sans portrait de lui mais son teint se confond avec l’obscurité profonde des forêts. Son corps sera noueux, doué d’une énergie sans égale. Il n’est ni obligé d’être pur comme Rolland, ni d’être vu comme Cavalier. Il est à la fois seul, qui se retire des combats quand il veut méditer ou guérir d’une rougeole, et à la fois le frère que tous reconnaissent. Comme Géronimo il est shaman de guerre. « Piètres combattants » ainsi qu’ ils l’affirment tous deux, ils conduisent leur peuple sur une autre terre.
Encore aujourd’hui il reste inclassable, peut-être le seul irrécupérable, maintenant que le camisard fait recette. Même pour le tourisme, même pour l’association Abraham Mazel, encore moins pour l’Église protestante. Trop violent, trop exalté, trop intransigeant, trop Mazel… Et ceux qui s’en réclament, même qu’un peu et de loin,  sont exclus de tous bords. Jugé (post-mortem) comme terroriste, il est sans image, sans sépulture. Et pourtant le vent nous ramène incessamment sa présence.

Jacques Verseils